mardi 10 septembre 2013
Lors
de l’inauguration des nouveaux locaux de Mozilla en juin dernier, Fleur
Pellerin a réaffirmé son soutien au logiciel libre en le présentant
comme « un véritable vecteur d’innovation et de changement » et un «
gisement de productivité et de compétitivité ». Parmi les autres
qualités vantées par la Ministre, la source de création d’emplois (10
000 supplémentaires dans les 3 ans à venir) et les coûts moindres.
Philippe Montarges, Vice-Président de la thématique « THINK » de l’Open
World Forum 2013, revient sur l’environnement économique de l’Open
Source et explique les raisons du succès de ce nouveau modèle
économique.
L’Open Source en entreprise : des économies budgétaires à moyen terme
Aujourd’hui les économies budgétaires liées à l’utilisation de solutions
Open Source par les DSI des entreprises et du secteur public sont un
des facteurs qui poussent à l’adoption de ce modèle. Dans les faits,
mesurer précisément les impacts budgétaires et les réductions de coûts
ne peut être fait sans tenir compte du profond changement de pilotage
financier qu’implique le choix du logiciel libre.
Le logiciel libre repose sur un modèle de services et non de vente comme
les logiciels propriétaires. Les budgets sont donc davantage consacrés
au développement de projets et l’intégration de solutions plutôt qu’aux
maintenances et aux achats de licences. En clair, vous passez d’un
modèle de Capex majoritaire à un modèle d’Opex plus en prise réelle avec
le niveau d‘activité des organisations. D’ailleurs, le choix de l’Open
Source dans de nombreuses grandes entreprises, services de l’Etat ou
services publics dépend très largement de cette stratégie
d’investissement.
Pour une entreprise, concevoir ou déployer une solution informatique est
un choix budgétaire à moyen terme qui permet de construire dans le
temps, de se réapproprier son système et de le maîtriser. Ceci entraîne,
à terme, des coûts moins importants que lorsqu’il y dépendance à un
éditeur, des compétences rares donc chères ou à un constructeur qui sera
davantage porté sur une politique commerciale qui n’est pas
nécessairement celle de l’entreprise. En effet, la réappropriation du
savoir-faire lié à l’Open Source permet une meilleure maîtrise des
compétences et donc une baisse des coûts.
Un nouveau modèle économique… alternatif !
Le logiciel libre repose sur un modèle économique alternatif qui
s’appuie sur une logique de contribution et de travail collaboratif avec
les fondations et les communautés qui sont-elles mêmes sponsorisées par
des grands acteurs de la communauté IT : derrière Linux, il y a entre
autres IBM et derrière Android, on retrouve Google. Il peut aussi
s’apparenter à une économie de type développement durable car il
s’autoalimente. Ce modèle économique est alternatif par rapport au
modèle de rente que proposent les éditeurs traditionnels de
l’informatique et qui repose sur une tout autre logique qui est celle de
: « j’investis, je développe un logiciel, j’en vends le plus possible,
je fais financer la maintenance par les clients qui financent mes
investissements à venir ».
Ce modèle économique, technologique et d’innovation s’appuie avant tout
sur un vrai savoir-faire en matière d’«intelligence collective» qu’ont
développé depuis plus de 20 ans les grandes fondations et communautés du
logiciel libre avec l’appui et le sponsor de grands acteurs de l’IT.
Le gouvernement soutient le développement des solutions libres
En France, l’Open Source bénéficie du soutien plus ou moins actif des
pouvoirs publics, soutien renforcé depuis l’arrivée de François
Hollande. Ceci s’explique d’une part par une contrainte budgétaire
évidente mais d’autre part par une volonté d’indépendance technologique
vis à vis des stratégies commerciales des grands éditeurs mondiaux.
Depuis les années 90, on assiste à un développement spectaculaire du
web. Il se généralise dans tous les domaines et touche tous les canaux
(tablettes, Smartphones ...). Mécaniquement, les solutions Open Source
montent en puissance (80% des serveurs sont aujourd’hui sous système
d’exploitation libre). Ces solutions se développent aussi grâce au web
2.0 ou 3.0.
De nombreuses sociétés de logiciels libres sont des PME, des entreprises
innovantes ou des start-up (Mozilla par exemple qui est, depuis, devenu
une société internationale). De plus, l’Open Source est un facteur
d’innovation et de création d’emplois, notamment d’emplois de proximité.
Soutenir le choix du logiciel libre permet donc de favoriser
l’émergence d’une économie numérique française et sa montée en
puissance. C’était d’ailleurs le sens initial de la circulaire Ayrault
annoncée en octobre 2012 qui invitait les administrations et Ministères à
opter pour le logiciel libre et à contribuer à son enrichissement.
Aujourd’hui, chacun enrichit en permanence un écosystème reposant sur
des communautés technologiques, des fondations, des entreprises et des
communautés d’utilisateurs. La circulaire imaginait également une règle
qui consistait à réinjecter systématiquement 5 à 10 % des coûts
d’économie réalisée en France, sous forme de contribution ou reversement
auprès des communautés de logiciels libres. Cette initiative est
importante car elle choisit de faire vivre un modèle contributif. Bien
entendu, il subsiste encore de nombreux freins dans les Ministères ou
administrations publiques. Par exemple, le Ministère de la Défense a
fait le choix d’un contrat cadre Microsoft Open Bar, ce qui est contre
cette logique. Il y a encore beaucoup de batailles à mener mais
l’impulsion est donnée.
Un levier économique de compétitivité sur le marché mondial
En 2012, le logiciel libre représente environ 10% des dépenses IT et la
croissance du marché Open Source est plus rapide que la croissance du
marché IT. En France, le logiciel libre représente aujourd’hui environ
30.000 personnes réparties chez les utilisateurs et clients majeurs
(ministères, administrations etc.), chez les grands intégrateurs tels
que Cap Gémini, Atos, Sopra ou dans l’une des 300 PME françaises.
La France est un pays leader en termes d’innovations numériques. Elle
donne la priorité à ses ingénieurs et développeurs et fait émerger des
créateurs de nouveaux projets qualitatifs comme « Talend », « Bonitasoft
» et « Symphony » dernièrement.
Une étude réalisée en 2012 dans le cadre de l’enquête du CNLL/PLOSS
(réseau des entreprises logiciel libre de Paris Région) révèle que 60%
des besoins des entreprises en termes de recrutement concernent le
développement de logiciel. Cela va permettre de créer des emplois de
proximité dans les régions et villes de France et éviter une trop forte
externalisation (off-shore) de ces projets et emplois vers des régions
périphériques, des pays de l’Est ou des pays du Maghreb.
Au niveau européen se multiplient des politiques d’accompagnement fortes
autour de l’utilisation de solutions Open Source, particulièrement en
Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie où il y a traditionnellement une
volonté d’indépendance vis à vis des leaders IT américains ou
asiatiques.
Le 1e éditeur mondial Open Source, « Red Hat », dépasse le milliard de
dollars de chiffre d’affaires quand le 1e éditeur français, « Talend »,
fait une dizaine de millions d’euros. L’enjeu numéro un demeure toujours
qu’apparaissent des « champions industriels de l’Open Source français »
capables de satisfaire les exigences des grands donneurs d’ordre tout
en tirant vers le haut l’ensemble de l’éco-systéme du logiciel libre
français et européen.
A propos de l’Open World Forum:
Cet événement, fondé en 2008, est le premier sommet européen rassemblant
politiques, décideurs et experts pour débattre de l'impact
technologique, économique et social des technologies libres et ouvertes
.Il se tient désormais annuellement à Paris avec plus de 200 orateurs
venus de 40 pays et une audience internationale de 2100 personnes en
2012.
L'Open World Forum est organisé par le pôle Systematic Paris-Region,
assisté d’un comité d’organisation, et en partenariat avec toutes les
grandes communautés internationales du Logiciel Libre et les grands
acteurs du numérique.