Par DEVDAS
Au chômage, notre contributrice Devdas chronique sa recherche d'emploi. Dans ce cinquième épisode, un cabinet de recrutement lui propose un poste dont personne ne veut.
Notre contributrice Devdas chronique sur Express Yourself sa recherche d'emploi. Dans ce cinquième épisode, elle revient sur l'inquiétante proposition de poste d'un cabinet de recrutement, qui lui rappelle des souvenirs...
"Bonjour, je ne vous dérange pas?", s'enquiert la consultante. Transmis à ce cabinet de recrutement il y a près de deux ans, mon CV a végété dans leur vivier jusqu'à aujourd'hui. Elle poursuit d'une voix suave: "Vous allez bien?"
Trêve de flagornerie, quel est l'objet de l'appel? Je contiens mal mon impatience. Je m'entends pourtant répondre d'un ton mi-enjoué mi-détaché: "Mais non, pas du tout. Mais oui, très bien, merci." Je n'en dis pas plus. Je m'impose pour règle de bien gérer les silences, d'éviter tout semblant d'émotion qui pénalise systématiquement. La bonne stratégie? Un échange d'informations neutres.
Elle enchaîne: "Bon, alors je vais vous décrire un peu le poste. Ce que mon client recherche..." C'est bien ce que je voulais entendre. Rassurée sur ses intentions mais quand même à cran, je respire un bref instant. La peur de manquer me rend capable d'ingurgiter des dizaines de descriptifs de postes. Comme un drogué mal sevré prêt à laper n'importe quelle essence. Mais je prends soin de contrôler ma voracité et me fais douce et calme.
"C'est un poste un peu complexe. Je vous décris la situation actuelle. Cette société de bourse cherche à étoffer son équipe support. A deux, elles ne s'en sortent pas. Il s'agirait de gérer 25 agendas", dit-elle. Hein? 25 agendas? Du jamais vu! En général, on ne va jamais au delà de cinq, voire plutôt trois.
Une furieuse envie de rire gronde en moi. Bien tenté, me dis-je, admirative de sa belle franchise! Elle poursuit: "L'agenda vous êtes à l'aise?" Forfaiture pour forfaiture, je rétorque sans hésiter: "Oui bien sûr! Cc'est vraiment l'une de mes activités préférées." Elle renchérit: "Oui, moi aussi si je devais choisir c'est ce que je préférerais." Vraiment?
"Vous avez encore un peu de temps? Il faut que je vous explique le contexte un peu particulier..." J'apprends ainsi que l'une des personnes en place refuse de s'occuper des agendas. Trop de stress... Quant à l'autre, ce n'est pas de son ressort, mais elle s'en occupe. La consultante insiste: "Si ça vous convient, c'est parfait. C'est pas mal payé, dans Paris. Qu'en pensez-vous?" Je coche la bonne réponse, celle à choix unique. "Ah oui vraiment! Ca m'intéresse beaucoup, à plusieurs titres..."
Le piège est tendu, les mailles du filet se resserrent. Pendant les premiers mois, l'heureuse élue devra accepter de travailler sans aucune autonomie. En effet, la personne dont ce n'est pas le ressort supervisera la moindre action de la nouvelle venue. Un régal d'intégration. Rien ne devra se faire sans son assentiment. Cette méfiance affichée qui tétaniserait n'importe quelle bonne volonté est justifiée, paraît-il, car ils ont essuyé plusieurs déconvenues. Je me dis que mes soeurs d'infortune à peine recrutées, aussitôt débauchées, n'ont pas dû s'amuser! L'équation proposée ne repose pas sur de solides probabilités de réussite...
Le poste, vacant depuis un certain temps, m'indique-t-on, ne peut rester inoccupé plus longtemps. En langage clair, un retard important s'est accumulé, et pour le rattraper, il ne faudra pas compter ses heures. Et ce sans rechigner, le sourire aux lèvres, s'il vous plaît.
On a toujours raison de se méfier lorsque les recruteurs vous disent "chercher une perle", car c'est bien pour la piller! On me propose souvent ce genre de postes qui ne trouvent pas preneur, et que l'on prend faute de mieux en attendant des jours plus heureux. Le genre de poste qui cause un tas d'ennuis, qui vous en fait baver.
Tout le monde a son idée sur la façon dont il faut l'appréhender. Chacun a son mot à dire sauf l'intéressé, qui n'est là, dirait-on, que pour supporter les incompétences, errements et autres tâtonnements d'un management futile, relayé par toute une chaîne de maillons inopérants. Mais ne vous méprenez pas, nul ne vous sera reconnaissant d'avoir sorti tout un département de l'impasse où il se fourvoyait. Bien au contraire.
Car ce poste qui n'en est pas un draine toute votre énergie, puis vous abandonne démunie face à un déchaînement d'ordres et de contre-ordres! Chacun exige de vous des résultats immédiats. Vous l'avez choisi non? Vous saviez que c'était difficile et compliqué, il ne fallait pas vous en charger si vous ne vous en sentiez pas les capacités.
Ce poste, que l'on vous a présenté comme une opportunité, est en fait un pari perdu d'avance. Il existe des postes dont la fonction semble expiatoire, qui font office d'exutoire pour des salariés en titre encore plus malheureux que vous. Ce genre de poste ne manque jamais de laisser au dernier recruté un arrière-goût amer. Surtout lorsqu'un peu avant la fin de la période d'essai, le fameux retard enfin rattrapé, on lui exprime que, non vraiment il n'y a rien à lui reprocher, mais que c'est une question de fit...
Exsangue et infantilisé, on repart humilié, en se disant quand même que l'on a pas démérité. Si vous voulez connaître la valeur et les capacités d'une personne, donnez-lui le pouvoir. Qui disait cela déjà?
"Bonjour, je ne vous dérange pas?", s'enquiert la consultante. Transmis à ce cabinet de recrutement il y a près de deux ans, mon CV a végété dans leur vivier jusqu'à aujourd'hui. Elle poursuit d'une voix suave: "Vous allez bien?"
Trêve de flagornerie, quel est l'objet de l'appel? Je contiens mal mon impatience. Je m'entends pourtant répondre d'un ton mi-enjoué mi-détaché: "Mais non, pas du tout. Mais oui, très bien, merci." Je n'en dis pas plus. Je m'impose pour règle de bien gérer les silences, d'éviter tout semblant d'émotion qui pénalise systématiquement. La bonne stratégie? Un échange d'informations neutres.
Elle enchaîne: "Bon, alors je vais vous décrire un peu le poste. Ce que mon client recherche..." C'est bien ce que je voulais entendre. Rassurée sur ses intentions mais quand même à cran, je respire un bref instant. La peur de manquer me rend capable d'ingurgiter des dizaines de descriptifs de postes. Comme un drogué mal sevré prêt à laper n'importe quelle essence. Mais je prends soin de contrôler ma voracité et me fais douce et calme.
"C'est un poste un peu complexe. Je vous décris la situation actuelle. Cette société de bourse cherche à étoffer son équipe support. A deux, elles ne s'en sortent pas. Il s'agirait de gérer 25 agendas", dit-elle. Hein? 25 agendas? Du jamais vu! En général, on ne va jamais au delà de cinq, voire plutôt trois.
Une furieuse envie de rire gronde en moi. Bien tenté, me dis-je, admirative de sa belle franchise! Elle poursuit: "L'agenda vous êtes à l'aise?" Forfaiture pour forfaiture, je rétorque sans hésiter: "Oui bien sûr! Cc'est vraiment l'une de mes activités préférées." Elle renchérit: "Oui, moi aussi si je devais choisir c'est ce que je préférerais." Vraiment?
"Vous avez encore un peu de temps? Il faut que je vous explique le contexte un peu particulier..." J'apprends ainsi que l'une des personnes en place refuse de s'occuper des agendas. Trop de stress... Quant à l'autre, ce n'est pas de son ressort, mais elle s'en occupe. La consultante insiste: "Si ça vous convient, c'est parfait. C'est pas mal payé, dans Paris. Qu'en pensez-vous?" Je coche la bonne réponse, celle à choix unique. "Ah oui vraiment! Ca m'intéresse beaucoup, à plusieurs titres..."
Le piège est tendu, les mailles du filet se resserrent. Pendant les premiers mois, l'heureuse élue devra accepter de travailler sans aucune autonomie. En effet, la personne dont ce n'est pas le ressort supervisera la moindre action de la nouvelle venue. Un régal d'intégration. Rien ne devra se faire sans son assentiment. Cette méfiance affichée qui tétaniserait n'importe quelle bonne volonté est justifiée, paraît-il, car ils ont essuyé plusieurs déconvenues. Je me dis que mes soeurs d'infortune à peine recrutées, aussitôt débauchées, n'ont pas dû s'amuser! L'équation proposée ne repose pas sur de solides probabilités de réussite...
Le poste, vacant depuis un certain temps, m'indique-t-on, ne peut rester inoccupé plus longtemps. En langage clair, un retard important s'est accumulé, et pour le rattraper, il ne faudra pas compter ses heures. Et ce sans rechigner, le sourire aux lèvres, s'il vous plaît.
On a toujours raison de se méfier lorsque les recruteurs vous disent "chercher une perle", car c'est bien pour la piller! On me propose souvent ce genre de postes qui ne trouvent pas preneur, et que l'on prend faute de mieux en attendant des jours plus heureux. Le genre de poste qui cause un tas d'ennuis, qui vous en fait baver.
Tout le monde a son idée sur la façon dont il faut l'appréhender. Chacun a son mot à dire sauf l'intéressé, qui n'est là, dirait-on, que pour supporter les incompétences, errements et autres tâtonnements d'un management futile, relayé par toute une chaîne de maillons inopérants. Mais ne vous méprenez pas, nul ne vous sera reconnaissant d'avoir sorti tout un département de l'impasse où il se fourvoyait. Bien au contraire.
Car ce poste qui n'en est pas un draine toute votre énergie, puis vous abandonne démunie face à un déchaînement d'ordres et de contre-ordres! Chacun exige de vous des résultats immédiats. Vous l'avez choisi non? Vous saviez que c'était difficile et compliqué, il ne fallait pas vous en charger si vous ne vous en sentiez pas les capacités.
Ce poste, que l'on vous a présenté comme une opportunité, est en fait un pari perdu d'avance. Il existe des postes dont la fonction semble expiatoire, qui font office d'exutoire pour des salariés en titre encore plus malheureux que vous. Ce genre de poste ne manque jamais de laisser au dernier recruté un arrière-goût amer. Surtout lorsqu'un peu avant la fin de la période d'essai, le fameux retard enfin rattrapé, on lui exprime que, non vraiment il n'y a rien à lui reprocher, mais que c'est une question de fit...
Exsangue et infantilisé, on repart humilié, en se disant quand même que l'on a pas démérité. Si vous voulez connaître la valeur et les capacités d'une personne, donnez-lui le pouvoir. Qui disait cela déjà?
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