Il y a un certain nombre de choses intéressantes à dire à ce sujet , que je peux aborder selon deux axes. Le premier, à une échelle macro, est l'évolution du droit et de la justice dans la société et la seconde a trait à l'évolution de la profession d'avocat en tant que telle.
Sur l'évolution du droit et de la justice
De plus en plus de concitoyens non initiés estiment que la justice est une somme d'obstacles et d'interdits. Pourtant, le droit ça n'est pas ça, c'est l'édiction de normes pour permettre aux hommes de vivre ensemble harmonieusement. En ce sens le droit n'est pas un obstacle mais un guide pour mieux vivre dans une société qui évolue et se complexifie, et permettre d'entreprendre sans se ruiner, de se déplacer sans nuire à la nature, de développer une entreprise sans nuire aux salariés... Modifier cette perception du droit et de la justice est indispensable et constitue un moyen de créer une quantité de travail considérable pour la communauté des avocats et des juristes.
La profession d'avocat a un rôle considérable pour changer ces perceptions et elle a tout à gagner à le faire. Comme le médecin, l'avocat est dans une relation de "sachant", de confiance pour donner un avis et un conseil éclairé. Sans aller jusqu'à dire qu'une norme est systématiquement utile - beaucoup de lois sont insensées avec des surenchères inutiles - il peut avoir un rôle complémentaire des pouvoirs publics pour expliquer pourquoi une norme est normale.
Sur l'évolution de la profession d'avocat
Il y a deux choses, l'évolution de la gouvernance de la profession et l'évolution des cabinets.
L'évolution de la gouvernance est catastrophique
comme on a pu le voir récemment, et il est préjudiciable à notre profession qu'il n'y ait pas d'unité au niveau national et une représentation unique. On a essayé de faire bien fonctionner le Conseil National des Barreaux depuis 20 ans et il apparaît que la structuration du mode de fonctionnement du CNB n'a pas suffisamment évoluée pour permettre un travail harmonieux, quelles que soient les personnes à la tête des instances qui le compose.. Au delà des événements malheureux de ces dernières semaines, c'est l'image des avocats vis-à-vis des autres professions juridiques, de la presse et des clients qui a été atteinte, mais le plus ennuyeux, c'est que les officines qui prétendent vendre du droit aux concitoyens ont profité de ces événements. Comment ensuite être légitime pour remplir la mission d'information envers les citoyens dont je vous parlais précédemment alors que nous sommes incapables de nous organiser pour représenter la profession d'avocat sur la réforme des retraites ou sur la place de l'aide juridictionnelle par exemple ! Il faut donc réfléchir à d'autres solutions pour représenter la profession en se posant la question de savoir ce que l'on veut comme organisation nationale : un exécutif ou un législatif ? Quel pouvoir donner aux régions ? Aux syndicats ?
L'évolution des cabinets est indirectement liée à cette question de gouvernance. Plus une profession porte haut ses valeurs, plus elle pourra être forte, plus elle pourra attirer des profils et des clients de qualité, etc .... Il faut permettre aux gros cabinets comme aux plus petits de pouvoir grandir. La distinction entre les gros et les petits cabinets me semblent dépassée. Il y a besoin de gros cabinets structurés pour traiter des opérations compliquées avec une multi-compétence, il y a de la place pour ceux qui veulent faire du sur-mesure dans un domaine particulier, etc ... Ce qui me paraît plus problématique aujourd'hui et qui est expliqué dans l'ouvrage de Steven J.Harper The Lawyer Bubble, c'est la place de la profession d'avocat à l'échelle mondiale où des dizaines de milliers de jeunes avocats aux Etats-Unis se retrouvent sur-endettés après avoir emprunté pour financer leurs études et sans emploi car de nombreux cabinets souffrent de la situation économique difficile. Cette situation déteint nécessairement sur la situation parisienne où, dans les cent premiers cabinets de la place parisienne, nombre d'entre eux sont étrangers.